
Mis Ă jour le 17/07/2025
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Une réponse ciblée au chômage de fin de carrière
Face au taux d’emploi des seniors toujours trop faible (moins de 39 % en 2023 pour les 60-64 ans selon la Dares) les partenaires sociaux ont intégré dans l’accord national interprofessionnel une proposition concrète : la création d’un CDI de valorisation de l’expérience (CVE). Ce nouveau type de contrat s’adresse aux demandeurs d’emploi de plus de 60 ans qui ne disposent pas encore de tous leurs trimestres pour partir à la retraite à taux plein.
L’intention est claire : éviter l’effet de “no man’s land” entre fin de carrière et retraite, une période pendant laquelle de nombreux profils expérimentés peinent à retrouver un poste. En tant que DRH, on voit régulièrement des candidatures de seniors pourtant hautement qualifiés qui n'entrent dans aucune logique de recrutement habituelle, faute de dispositifs adaptés.
Un contrat à durée indéterminée… avec une sortie encadrée
Le CDI senior prend la forme d’un CDI de droit commun, mais avec une clause spécifique permettant à l’employeur de le rompre une fois que le salarié atteint l’âge du taux plein. Cette disposition permet une souplesse importante pour les entreprises qui redoutent une rigidité excessive en fin de carrière. Il ne s’agit donc pas d’un contrat à durée déterminée déguisé, mais d’un outil pensé pour organiser une transition vers la retraite, sans pour autant alourdir les effectifs durablement.
Ce point est à bien intégrer dans les politiques de gestion des âges. Trop d’entreprises n’anticipent pas les départs et la transmission des savoirs. Ce type de CDI peut justement structurer un passage de relais, avec une date de sortie juridiquement sécurisée.
Des avantages financiers à la clé
Pour encourager les entreprises à jouer le jeu, le projet prévoit une exonération de 30 % des cotisations patronales sur les indemnités de mise à la retraite, valable pendant trois ans. Un levier non négligeable quand on connaît le coût total d’un départ négocié pour un salarié expérimenté. Il faudra bien sûr attendre les arbitrages définitifs sur le calibrage de cette exonération, mais l’incitation semble suffisamment significative pour créer un mouvement.
Cette incitation ne doit pas être l’unique moteur. Le vrai gain est organisationnel. Ce contrat permet d’intégrer un senior sur des missions à forte valeur ajoutée (tutorat, expertise, formation) tout en limitant l’exposition financière à long terme. Cela peut être stratégique dans des secteurs en tension sur les compétences.
Une logique de reconversion et de relance de carrière
Le CVE est aussi pensé comme un contrat de reconversion professionnelle. L’objectif n’est pas uniquement de maintenir les seniors dans leur ancien métier, mais de leur permettre de rebondir sur un nouveau projet professionnel, avec un vrai cadre. Les partenaires sociaux ont insisté sur ce point : ce n’est pas un emploi au rabais, mais une seconde carrière accompagnée.
Cela suppose, côté employeur, un minimum d’investissement dans la montée en compétences du salarié. On pourrait par exemple imaginer un parcours tutoré de six mois à un an, suivi d’une phase de pleine autonomie. Il est donc essentiel que les DRH articulent ce nouveau contrat avec les dispositifs déjà existants. Sans cela, le risque est que le CDI senior reste une coquille vide, peu mobilisée.
Un cadre juridique encore en construction
Le texte n’a pas encore été définitivement adopté par le Parlement, mais son inscription à l’agenda législatif de juin-juillet 2025 confirme l’ambition du Gouvernement de mettre rapidement en place ce nouvel outil. Les contours précis (notamment la nature exacte de la clause de rupture à taux plein) devront être précisés par décret, après concertation avec les partenaires sociaux.
En attendant, les DRH peuvent d’ores et déjà préparer leur politique seniors. Cela passe par un état des lieux de leur pyramide des âges, l’identification des compétences critiques en fin de carrière, et la mise en place de processus RH adaptés. La réussite de ce CDI repose largement sur la capacité des entreprises à anticiper et formaliser les trajectoires de fin de carrière, plutôt que de les subir.
Sources
- Dossier de presse du gouvernement : https://travail-emploi.gouv.fr/projet-de-loi-portant-transposition-des-accords-nationaux-interprofessionnels-en-faveur-de-lemploi-des-salaries-experimentes-et-relatif-levolution-du-dialogue-social
- Communiqué du Ministère du travail du 7 mai 2025 : https://www.capstan.fr/articles/2686-transposition-des-ani-en-faveur-de-lemploi-des-seniors-et-du-dialogue-social-le-projet-de-loi